Mille emplois, mais combien pour les femmes?

Article de Maude Jacquet, dans Le Courrier du 7 mars 2022

L’ampleur des mouvements pour le climat ont poussé les syndicats à se saisir de la question de la transition. A Genève, l’initiative 1000 emplois, qui a abouti en septembre, est l’étendard de cette nouvelle vision qui concilie enjeux sociaux et climatiques. Le texte demande que chaque année, et ce tant que le taux de chômage atteint ou dépasse 5%, mille emplois soient créés dans une perspective de développement durable, «au bénéfice de tout le monde et de la planète, mais à l’abri du chômage et de la pauvreté». Tout le monde, y compris les femmes. Car si des secteurs techniques comme les énergies renouvelables, la rénovation thermique ou le développement des transports publics figurent dans les domaines cibles, l’initiative accorde une importance tout aussi notable aux soins, à l’éducation ou à la formation. De quoi couper l’herbe sous le pied à un capitalisme vert qui pense la transition uniquement à l’aune technologique.

«L’initiative est pensée en termes de besoins, tout en posant la question ‘que veut-on valoriser à l’avenir et quels sont les métiers dans lesquels la société doit investir’?» explique Marlene Carvalhosa Barbosa, secrétaire permanente à la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS). Les évolutions sur les plans énergétiques ou alimentaires sont certes vues comme des sources de création d’emplois. Mais ces secteurs ne représentent que 50% de l’objectif. Le reste s’assied sur un socle social fort, avec le renforcement des effectifs dans les hôpitaux et les EMS, mais aussi auprès des jeunes et dans les services sociaux. Des métiers où les femmes sont surreprésentées.

«L’initiative ne règle pas directement la question de la revalorisation salariale. La lutte féministe implique en parallèle de revoir la dimension genrée du travail. Car les identités de genre ont des fonctions et des logiques économiques qui profitent au système capitaliste. Il n’y a qu’à constater son intérêt à ne pas reconnaître le travail non rémunéré qui échoit principalement aux femmes», relève la syndicaliste. Et il ne s’agit pas d’une menue contribution. Une publication de l’Office fédéral de la statistique parue en octobre 2021 fait état de 9,245 milliards d’heures de travail non rémunéré1. C’est plus que les 7,608 milliards d’heures travaillées par l’ensemble des actifs et actives en Suisse! A cet égard, l’initiative préconise d’encourager – les prérogatives cantonales ne permettant guère plus – la diminution du temps de travail. Une demande qui s’inscrit «dans la perspective d’une meilleure répartition des tâches domestiques, et donc de favoriser l’accès des femmes aux sphères publiques et politiques», souligne la secrétaire syndicale.

Reste la question de la réorientation professionnelle. Les femmes sont souvent prétéritées dans cette démarche, car les compétences du care souffrent d’un manque de reconnaissance. Assurer un accès à la formation professionnelle universel reste un enjeu à part entière. Maude Jaquet

1.Chiffre de l’année 2016. Publication complète: www.bfs.admin.ch/bfsstatic/dam/assets/19224134/master